Après un exil de 5 années aux Etats-Unis, Fernand Léger rentre en France en décembre 1945, adressant à Jean-Richard Bloch par télégramme peu avant son départ son adhésion au PCF.
Il garde un riche souvenir de son séjour : Dans ses bagages, 57 toiles et 125 travaux sur papier réalisés dont certaines portent les prémices des grandes compositions, comme « La partie de Campagne » qui est une continuité des Cyclistes, thème récurrent de la période américaine.
A Paris, il peint « Adieu New York ». Une vraie rupture : En ces temps de maccarthysme, son adhésion au Parti Communiste lui interdit désormais l’obtention d’un visa. Il ne mettra plus jamais les pieds aux Etats-Unis.
Qu’importe, ce sont les artistes américains qui viennent à lui : Ellsworth Kelly, Sam Francis ou Kenneth Noland passeront dans son académie. Il est vrai que le maitre parle parfaitement l’anglais.
Voilà qui peut sembler paradoxal : Avec le recul, on peut avancer que cette adhésion est moins par conviction idéologique qu’à l’initiative de Nadia Léger, fervente communiste, qui a à cœur d’intégrer le maitre dans le courant intellectuel dominant de l’immédiat après-guerre.
Fernand Léger est un homme profondément généreux et sensible. Son art se veut populaire et accessible à tous. Il a une fibre sociale sincère, a la culture du partage et l’amitié fidèle. Mais ses profondes racines paysannes ancrées dans sa terre de Lisores, son havre d’inspiration et d’amitiés joyeuses (Blaise Cendars, les frères Fratellini, Le Corbusier, Daniel Wallard…), l’empêchent de tomber dans le piège de l’idéologie. Il se refusera toujours à produire un art de propagande.
Pourtant le Parti communiste lut dans les Constructeurs une réponse satisfaisante à ses injonctions faites aux artistes de pratiquer un art qui soutienne les valeurs de la classe ouvrière. Quelques toiles furent présentées dans une des cantines du comité d’entreprise des usines Renault à Boulogne-Billancourt. Mais à sa grande déception, elles ne furent pas comprises. Assis à table au milieu des ouvriers, il écoute leurs réactions : « Regarde-moi ses mains… Impossible de travailler avec des mains pareilles ! ». La CGT refusera même le don du grand tableau des Constructeurs !
C’est la couverture du magazine « URSS en construction » de novembre 1949, montrant la construction d’un immeuble de la place Smolensk de Moscou qui est l’élément déclencheur de la série des Constructeurs. Une intuition qu’il avait déjà en lui avec la construction des gratte-ciel américains ou en découvrant sur la route de Lisores les grands pylônes électriques installés par les allemands.
Les Constructeurs resteront comme l’œuvre contemporaine où l’expression sociale du travail est la plus plastiquement réussie, la plus puissante et monumentale.